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Critique et Extrapolation
16 avril 2014

Elysium contre Snowpiercer ou vide idéologique contre pensée jusqu'au-boutiste

En 2013, deux films de science fiction ayant pour thème la lutte des classes sont sortis avec quelques mois d'écart, l'un produit au États-Unis : Elysium, du réalisateur Neill blomkamp (District 9) et l'autre en Corée du sud du réalisateur Bong Joon-ho (réalisateur de The Host et Mother entre autres) basé sur le roman graphique de Jacques Lob et Jean-Marc Rochette : Snowpiercer ou Le Transperceneige .

Résumé de Elysium : 2154. Il existe deux catégories sociales distinctes : les riches, vivant sur la station spatiale appelée Elysium, et les autres vivant sur la Terre devenue surpeuplée et ruinée. Max, un homme ordinaire pour qui rejoindre Elysium est vital, est le seul à avoir une chance de rétablir l’égalité entre ces deux mondes en s'élevant contre la Secrétaire Delacourt et ses forces armées.

Résumé de Snowpiercer : 2031. Une nouvelle ère glaciaire. Les survivants résident à bord du Snowpiercer, un train gigantesque condamné à tourner autour de la Terre sans jamais s’arrêter. Dans ce microcosme futuriste, les inégalités sociales deviennent insoutenables, une poignée d’hommes va tenter de lutter contre cela.

Cette comparaison ne va pas s'attarder sur les qualités esthétiques, scénaristiques ou même techniques. Elle va plutôt se pencher du coté de l'idéologie sous-jacente à ces deux films.

Pour Elysium comme pour Snowpiercer, le protagoniste est un symbole de la lutte des classes, appartenant au prolétariat, méprisé par la bourgeoisie, détentrice de richesses et de pouvoirs, et pour laquelle il sue sang et eau. Il va choisir de se rebeller, comme tout bon petit marxiste en herbe, dans le but de sauver ses camarades et de rétablir un équilibre entre les différentes classes sociales.

Le schéma scénaristique, certes un poil manichéen, mais efficace, crée rapidement une empathie pour le combat des ''gentils démunis''. Il faut avouer que aussi bien dans Elyseum, lorsque des terriens opprimés accèdent à la station spatiale que dans Snowpiercer, quand le wagon de queue prend le dessus sur ses gardes, on jubile.

Bon c'est sympathique tout ça, la lutte des classes est bien représentée, voilà, l'auteur va pouvoir nous délivrer son message.

Et là, la scission entre les deux films s'opère.

Elysium. La conclusion d'Elysium ressemble à une vaste blague. En résumé, après une lutte acharnée contre l’oppression totalitaire des élites, notre héros réussit à modifier le système informatique de la navette spatiale et autorise son accès à l'ensemble de la population. Des véhicules de soins sont envoyés un peu partout sur terre, les malades sont soignés, bravo bravo, fin.

En faisant l'impasse sur le fait que l'ordre social n'a quasiment pas bougé, bien qu'ils aient désormais accès aux soins, les terriens vivent toujours dans la misère, la violence et avec une surpopulation qui, au passage, devrait s’accroître encore plus rapidement. Sans parler du fait que toute la population peut désormais accéder à la navette spatiale la transformant ainsi en Terre bis en l'espace de quelques jours.

Quel manque d'ambition dans cette fin paresseuse. Quelle déception. Le film nous fait miroiter une société futuriste dont les inégalités exacerbées nous révoltent pendant deux heures, pour finalement s'en sortir avec une pirouette scénaristique !

Les ''méchants riches'' ont compris la leçon, ils pourront continuer à gouverner les ''pauvres pauvres'' mais en étant plus gentils et en proposant un accès aux soins pour tous. Surtout pas de remise en cause profonde de la société, ça reste du divertissement hein? Pas très bandant tout ça...

Snowpiercer. Attention on attaque le gros morceau. Tout d'abord il peut paraître étonnant que, si dans la première partie du film, nous suivons l'ensemble de la classe sociale exploitée, celle-ci est rapidement délaissée au profit d'une troupe resserrée puis d'un leader accompagné de deux protagonistes en décalage avec les réalités de la vie du train, mais ceci se révélera parfaitement logique au vu des événements qui suivent.

Au fil de l'histoire, le leader de cette révolte se détache de plus en plus de ces congénères, car vu qu'il est l'instigateur de la démarche, il ne peut pas se permettre de reculer, de s’arrêter, il doit aller jusqu'au bout car les souffrances subies pendant la lutte ne doivent pas être vaines. Dans Snowpiercer il n'est pas uniquement question de sauver des gens, on cherche à renverser le pouvoir, à détruire les discriminations intrinsèques à cette société. La révolution est en marche, l'idéologie prend le pas sur la sauvegarde des vies des êtres chers. Comment pourrait-il en être autrement ? Aucune concession ne sera faite.

Et puis, il y a le monologue final, où Wilfried, le créateur de la machine monde, s'adresse au révolutionnaire. Je ne vais pas avoir la prétention de le résumer de manière claire mais voici quelques points abordés. Là ou le film se montre subversif c'est dans le fait que Wilfried accepte et attend ce renversement, il a conscience que cela est inéluctable. Pragmatiquement, il sait aussi que cette société, pour subsister, doit être dirigée par des lois, des devoirs et une certaine logique. Ainsi, notre révolutionnaire se transformera à son tour, malgré lui, en dirigeant de ce microcosme car ce n'est pas parce qu’on prend le pouvoir qu'on le détruit.

Désillusion oh combien cynique et pessimiste, alors que l'élite assène de manière péremptoire tout au long du film que les castes sont nécessaire à l’écosystème de cette société. Notre révolutionnaire réalise que pour pérenniser l'existence du monde qu'il connaît, il devra mettre en place des règles sociales plus ou moins identiques. Le piège se referme sur le protagoniste, que faire si, au fond, nous ne pouvons pas changer le fonctionnement de notre société? Les deux protagonistes libertaires qui l'accompagnent, en faisant sauter le train, vont y donner la réponse:

On peut encore le détruire.

Alors oui, la solution choisie ici est radicale, certains y verront une ode au terrorisme, ceux qui ont survécu se comptent sur les doigts d'une main, mais le changement est effectué, les définitions mêmes d'exploité et d'exploitant ont disparu, la société humaine peut enfin repartir à zéro, la lutte idéologique à réussit à transcender la société, la vie, la mort, afin d’aller jusqu'au bout de son implacable logique.

Vous l'avez compris, si Elysium ressemble pour moi à un belle coquille vide, agréable à voir mais rapidement oubliée, Snowpiercer par contre, malgré ses quelques défauts de réalisation possède un ingrédient fondamental que tout film d'anticipation politique devrait avoir : une réflexion personnelle et audacieuse sur notre système social, bref des couilles.

 

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